Au Maroc, la récolte de Charentais s’est achevée et l’heure est au bilan. Malgré la zone de turbulences inédite provoquée par la COVID-19 (baisse de la demande en début de campagne, augmentation des frais de transport d’ouvriers et de marchandise, nouvelle main d’œuvre…etc.), les producteurs marocains ont su se réinventer pour tirer leur épingle du jeu. Et cela a porté ses fruits : contre toute attente, les résultats de la saison 2019/2020 annoncés semblent bien meilleurs que ceux de l’an passé ! Le point avec Miloudia Afidi, référente Seminis au Maroc.
Comment les producteurs marocains ont-ils géré la crise sanitaire de la COVID-19 ?
Miloudia Afidi : Nous avons démarré la récolte de la production précoce de Charentais dès le mois de Février dans la région sud du Maroc (A Dakhla) et nous l’avons finie vers fin Mai dans la région de Marrakech. Cette année, nos producteurs ont été confrontés à de nombreuses problématiques en raison de la crise sanitaire du nouveau coronavirus. Les mesures restrictives prises par notre pays ont considérablement limité les déplacements, ce qui a pénalisé ceux faisant appel à de la main d’œuvre extérieure. D’une part, ils ont dû affréter des véhicules et multiplier les va-et-vient pour la faire venir, ce qui a augmenté leur coût de revient de leur production. D’autre part, certains ouvriers ont abandonnés leur travail par peur du covid (dans certaines exploitations c’est arrivé jusqu’à 20% de l’effectif), ce qui a nécessité de recruter une nouvelle main d’œuvre. Et qui dit main d’œuvre nouvelle dit plus d’efforts pour la former, lui apprendre comment récolter et conditionner… une gymnastique d’autant plus complexe que les stations de conditionnement ont dû composer avec des effectifs réduits en raison des mesures de distanciation physique, ainsi les horaires ont été aménagés en réduisant le nombre d’heure travaillées (journées de 6 h contre 8 h habituellement). A travers vous, je salue l’ensemble des agriculteurs marocains du charentais qui se sont bien débrouillé pour assurer un bon déroulement de cette campagne malgré les difficultés confrontées à cause du COVID19.
Quel a été l’impact du COVID-19 sur la consommation ?
M. A. : La France est notre marché numéro un pour le Charentais, nous y exportons plus de 90% de nos melons. Or, le démarrage de la campagne a coïncidé avec le début du confinement en France et la fermeture des marchés, ce qui a entraîné une nette baisse de la consommation. La météo ne nous a pas aidés non plus : le froid n’a pas incité les Français à manger du frais. Par conséquent, les producteurs rentrés précocement sur le marché n’ont pas eu de bons prix car les importateurs ont été obligés de baisser leurs prix de vente pour écouler la marchandise. Et pour ne pas inonder le marché et garantir un bon écoulement, il y avait également une limitation de calibres exportés (le calibre 12 est le plus demandé, au détriment du 15 et du 18). Heureusement, les conditions climatiques se sont améliorées en avril-mai en France et, avec la réouverture des marchés, la consommation est repartie à la hausse et nous avons réussi à bien écouler nos volumes et avoir des prix mieux que ceux de démarrage.
En dehors de ce contexte inédit, comment s’est déroulée la saison ?
M. A. : En gros cette saison a été beaucoup mieux que celle de l’an passé qui s’est caractérisée par des mauvaises conditions climatiques aussi bien au Maroc qu’en France. Au Maroc, on a enregistré de fortes pluies au moment des récoltes, ce qui a nuit à la qualité des melons et en France, le temps était encore froid et du coup la consommation n’avait pas suivi pour écouler les volumes exportés, ce qui conduit à une baisse de prix de vente. Cette perte de rentabilité a conduit certains producteurs à réduire leur superficie cette année, voire même à ne pas faire du Charentais. Mais contre toute attente, plusieurs agriculteurs ont décidé au dernier moment d’augmenter leur superficie pour répondre à la demande du marché. Résultat : la superficie de production de Charentais n’a été réduite que de 8% (une superficie globale d’environ 1 530 ha, dont 75% dans la région de Marrakech) par rapport à l’an passé. Nous nous attendions à pire !
Côté météo cette saison,nous avons eu des vents violents qui ont endommagé certaines serres et structures au moment des plantations (mois de décembre 2019 dans la zone du Marrakech). Il y a eu également des précipitations avec de la grêle en fin de cycle, mais fort heureusement la grande partie de producteurs avaient terminé leurs récoltes. Seules quelques parcelles plein champ (en production tardive) ont été touchées, sans gravité. Finalement, le bilan de la saison par rapport à l’an passé est positif, nous avons fait une bonne saison 2020 en termes de qualité de fruit et de prix. Il dépasse même nos espérances : on peut dire que nous avons réussi à compenser les coûts de production exceptionnels induits par la crise sanitaire !
Comment s’annonce la prochaine saison ?
M. A. : Il est encore trop tôt pour savoir si les producteurs vont augmenter ou réduire leurs superficies. Nous aurons plus de visibilité en septembre prochain. Ce qui est sûr en revanche, c’est que nous serons présents avec nos deux variétés de Charentais sur le marché : la SugarKech et la SV9790 car la variété eureka est en effet arrivée en fin de cycle après plus de dix ans de présence sur le marché. Mais nous pouvons compter sur la qualité, le bon rendement et la bonne conservation de nos melons pour conserver notre position sur le marché charentais et pourquoi pas l’améliorer.