Interview de Laura Terzi sur la Cladosporiose

Nous sommes avec Laura Terzi, notre Spécialiste Qualité de Production basée à Bergschenhoek aux Pays-Bas.

Est-ce que tu peux te présenter et décrire ton rôle ?

Je suis Laura Terzi, je viens d’Italie et je travaille pour Bayer depuis 4 ans. Je fais partie de l’équipe Qualité de Production de Semences pour la région Europe/Moyen-Orient/Afrique. Dans cette équipe nous sommes des pathologistes des plantes et nous suivons les sites de production pour aider nos collègues à produire des graines saines. Nous surveillons en particulier les risques de maladies et fournissons des recommandations d’hygiène et phytosanitaires.

Est-ce que tu peux nous expliquer ce qu’est la « Cladosporiose » ? Et les différentes races ? Est-ce qu’il y en a une de plus agressive que les autres ?

La cladosporiose (Passalora Fulva) est un champignon qui s’attaque essentiellement aux feuilles.

Actuellement il existe 10 races connues, dont 5 courantes en France. Depuis quelques années, la race F a fait son apparition en plus des celles déjà présentes. Elle est capable de contourner la haute résistance apportée par le gène Cf-9 que l’on retrouve dans la plupart des génétiques de tomates résistantes actuelles. C’est cette capacité à contourner les gènes de résistance qui est plus importante que l’agressivité de la souche elle-même.

Les différentes souches qui apparaissent sont étudiées en détail par l’ISF(1) (International Seed Federation) dont Bayer est membre.

 

(1)https://worldseed.org/document/differential-sets-passalorafulva-may-2022/

Quels sont les symptômes ?

Les premiers symptômes peuvent apparaître dès 1 semaine après l’infection, sur la face supérieure des feuilles, sous forme de petites tâches (spots) vertes claires, légèrement jaunissantes, qui vont grossir au fur et à mesure et devenir totalement jaunes (chlorose).

Le champignon affecte les stomates, ce qui bloque la respiration et entraîne le flétrissement des feuilles. En général, l’attaque se localise au niveau des feuilles inférieures de la plante, mais lors d'une infection agressive, les feuilles supérieures peuvent également être touchées. Il peut même y avoir des symptômes sur la tige, les fleurs, le calice et les fruits, mais c’est beaucoup moins fréquent.

Comment se développe le champignon ?

Le champignon se développe sur les feuilles, en bloquant les stomates par des agrégations de conidiophores, c’est-à-dire la partie du mycélium des champignons qui porte les spores. Les conidiophores utilisent les stomates comme canaux pour quitter la feuille et libérer leurs conidies (spores). Le champignon se développe d’autant plus facilement dans des climats humides et chauds. 

Comment est-ce que se transmet ce champignon ? Comment ça apparaît ?

Les spores, ou conidies, sont responsables de la transmission. Elles sont produites en grande quantité et se propagent facilement par l'air, les insectes, les mains et les vêtements. L'agent pathogène peut être soufflé par le vent, et s'il y a des cultures de tomates dans les environs (jusqu’à 2-3 km), les spores peuvent facilement être transportées. Elles pénètrent dans la plante par les stomates et/ou blessures. Elles sont très résistantes aux conditions sèches et aux basses températures, elles peuvent donc survivre pendant de longues périodes sur des débris de feuilles séchées.

Quel est l’impact sur le rendement ? Sur la qualité du fruit ?

Plus les attaques sont précoces, plus il y a de risque d’affecter le rendement. Le rendement est aussi impacté quand la surface foliaire touchée est importante.

Concernant la qualité du fruit, on a rarement observé de symptômes sur les fruits, car il s'agit d'un agent pathogène foliaire.

Est-ce que tu pourrais nous partager des conseils de bonnes pratiques pour prévenir la Cladosporiose ?

La première recommandation consiste à utiliser des variétés avec une résistance forte à la Cladosporiose. La résistance est largement disponible et nous avons même une première variété commerciale avec la résistance haute à la race F.

A côté de cela, les mesures d'hygiène sont fondamentales (enlever les débris de culture à proximité de la serre et nettoyer la serre elle-même très soigneusement). Il a été montré qu’un nettoyage à grande eau serait suffisant pour tuer la plupart des spores de Cladosporiose présentes. Tout au long de la saison, essayez d'éviter les conditions climatiques favorables : chaud et humide. Soyez particulièrement vigilant dans les périodes où il y a de forts écarts de température entre jour et nuit, car cela favorise la condensation, et donc l’humidité. L’eau et la chaleur sont indispensables à la germination des spores.

L'agent pathogène aime l'environnement humide pour la sporulation. Selon la littérature, les spores germent à la surface des feuilles avec de l'eau libre et une humidité supérieure à 85 %.

Une autre recommandation est de ne pas planter avec de trop fortes densités, pour favoriser une meilleure circulation de l'air et ainsi réduire l'humidité. Il faut aussi faire attention de ne pas avoir d'excès d'azote lors de la fertilisation, car un déséquilibre de l'azote favoriserait le développement des maladies foliaires. 

En cas d'infection, comment limiter la propagation de la maladie ?

Il est primordial de réduire au maximum la source d’inoculation en enlevant les feuilles infectées, et dans les cas les plus critiques, en arrachant les plantes les plus touchées. Il faut sortir ces déchets de la serre et il peut être conseillé, dans la mesure du possible, de rincer le sol à l’eau claire.

Toutes les mesures préventives contre la Cladosporiose sont aussi applicables en mesures curatives, comme la gestion du climat expliqué à la question précédente. Un travail plus important d’effeuillage par le bas permet d’améliorer l’aération et de limiter les voies d’entrées à d’éventuelles spores qui se seraient déposées sur le sol.

Une bonne gestion du climat est votre meilleur allié dans la lutte contre la Cladosporiose.

En cas d’infection, comment être sûr d’avoir un environnement sain pour la nouvelle culture ?

Il faut nettoyer la serre du mieux possible, par exemple enlevez et brûlez tous les débris végétaux en fin de culture afin de réduire la source primaire de contamination. Il est important de s’assurer qu'il n'y ait pas de restes de l'ancienne culture. Un nettoyage avec des produits chimiques tuera tous les agents pathogènes et les tissus fongiques présents. Les spores de la Cladosporiose présentes dans la serre peuvent aussi être tuées au contact d'une grande quantité d'eau : en raison de leur valeur osmotique, elles vont absorber l'eau et éclater. Des spores sèches, quant à elles, sont légères et donc très facilement transportables par le vent, d’où l’importance de les éliminer.

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